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Les Démocrates de Suède, à l’assaut de la forteresse socialiste

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Dans le bastion historique de la social-démocratie en Europe, la Suède, le parti nationaliste anti-immigration est devenu le premier parti de droite. Les Démocrates de Suède ont récolté 21% des voix aux dernières législatives de 2022, et sont ainsi devenus l’incontournable allié parlementaire du gouvernement actuel, une coalition de droite qui menace de tomber sans leur soutien. Plébiscité par les classes populaires et les jeunes, ce parti aux origines néo-nazies, jugé infréquentable il y a seulement une dizaine d’années, est désormais au centre du jeu politique suédois.

C’est en Scanie, dans les plaines fertiles du Sud du pays, que les Démocrates de Suède (SD) ont connu leurs premiers succès, au début des années 1990. Et c’est là, à Trelleborg, une ville portuaire de 45 000 habitants, qu’a été élu le premier maire d’extrême-droite du pays, en avril dernier, après plusieurs années de gouvernance en coalition avec les partis de la droite libérale.

Mathias Andersson, homme jovial de 40 ans à la barbe pointue, aux cheveux laqués en arrière et aux poignets tatoués, est chez lui, dans la bâtisse qui abrite l’Hôtel de ville. « Vous savez… J’étais un jeune socialiste ! » souffle-t-il en souriant. « Je viens d’une vieille famille ouvrière. Mes parents étaient socio-démocrates, mes grands-parents aussi. Mais je ne me retrouvais plus dans les questions qui étaient soulevées. On ne parlait plus des travailleurs suédois, mais des LGBTQ. Et quand ils disaient, “ouvrons les frontières aux immigrés”, ça ne me semblait pas très astucieux. »

Le parti historique affaibli

Le discours anti-immigré a fait mouche dans cette région dont le chef-lieu, Malmö, troisième plus grande ville du pays, qui se situe à 30 minutes d’ici, a accueilli un grand nombre de réfugiés. « En 2015, quand il y a eu la crise migratoire et que les frontières suédoises étaient grandes ouvertes, on a vu des milliers de migrants débarquer dans le port de Trelleborg et à Malmö. Les immigrés d’aujourd’hui, les musulmans, ils ne travaillent pas, ils touchent les aides sociales et forment des sociétés parallèles, avec leur propre police de la charia. Cette situation a rapproché les gens de notre parti. Il faut une nouvelle politique. C’est comme ça qu’on a viré les socialistes de leur piédestal. Ils étaient le plus grand parti depuis 99 ans, ils allaient fêter leur centenaire en 2018, et nous voilà ! » se réjouit Mathias Anderson.

À Trelleborg, et en Suède, le parti historique du centre-gauche reste la première force politique avec 30% d’électeurs. Mais il est affaibli. Avec la délocalisation des emplois industriels et l’ascension de SD, le vote ouvrier s’est progressivement détourné du parti social-démocrate. En 2022, un an avant les législatives, la première ministre socialiste, Magdalena Andersson, voyant le vent tourner, a décidé d’adopter un ton très dur sur l’immigration.

Suspicion de « fabrique à trolls »

« Trop tard ! Nous ne sommes pas dupes ! » s’écrit Milton Kleimann, jeune homme aux rouflaquettes rousses de 24 ans, qui votera SD aux prochaines élections européennes. « Aujourd’hui, les socialistes et la droite sont tous d’accord avec les politiques migratoires de SD alors qu’ils refusaient de débattre avec eux pendant des décennies » constate-t-il. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, cet employé d’une boulangerie locale s’est forgé son opinion sur internet. Très présents sur les réseaux sociaux, les Démocrates de Suède auraient même constitué une « fabrique à trolls » pour « manipuler l’opinion des jeunes électeurs », selon une enquête de l’émission d’investigation Kalla Fakta, parue le 14 mai dernier. Plus de 23 faux profils seraient animés secrètement par l’équipe de communication du SD, qui partagerait ainsi de la désinformation, des vidéos calomnieuses et des clips racistes.

Le leader du parti, Jimmie Åkesson, qualifie ses comptes « d'humoristiques » et estime que ces révélations font partie « d’une gigantesque opération d’influence intérieure de la part de l’establishment de gauche et libéral ». Originaire d’une petite ville côtière à deux heures de route à l’est de Trelleborg, Jimmie Åkesson a pris la direction des Démocrates de Suède en 2005. Il avait alors 26 ans. Aujourd’hui, ce tribun aux lunettes transparentes de 44 ans est crédité pour avoir réussi une stratégie de dédiabolisation du parti. Si l’Islam est toujours érigé comme une menace pour la laïcité suédoise, les éléments néo-nazis et les personnalités trop ouvertement racistes ont été écartés.

La coalition au pouvoir dépendante du SD

« Ce sont des opportunistes » tranche Jonathan Leman, chercheur au sein du magazine anti-raciste Expo, qui suit de très près la résurgence des idées d’extrême-droite en Suède. « C'est vrai, les Démocrates de Suède ont mis de l'eau dans leur vin, quand ils en ont eu besoin. Mais maintenant qu’ils ont l’espace politique pour aller plus à droite, ils le font ». Il observe que depuis que l’extrême droite a fait son entrée au Parlement en 2010, avec l'élection de Jimmie Åkesson au poste de député, « les organisations néo-nazies, fascistes et ethno-raciales, trouvent que leurs idées - jugées trop extrémistes - se sont normalisées. Ils disent d'ailleurs qu’ils ont plus de facilités à recruter dans leurs rangs. Pour ces groupuscules, la stratégie c’est d’influencer le SD, pour qu’il se droitise. L'extrême droite radicale les utilise comme un cheval de Troie, puisqu'ils sont désormais fréquentables dans le paysage politique ».

Après les législatives d’automne 2023, la révolution qui grondait est arrivée : le parti des Démocrates de Suède est officiellement devenu le principal allié parlementaire de la coalition de droite, menée par le Premier ministre conservateur Ulf Kristersson. Le gouvernement composé des Modérés, des Chrétiens Démocrates et des Libéraux est donc pieds et poings liés, puisque sans le soutien de l'extrême droite, il n’a pas la majorité.

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C’est en Scanie, dans les plaines fertiles du Sud du pays, que les Démocrates de Suède (SD) ont connu leurs premiers succès, au début des années 1990. Et c’est là, à Trelleborg, une ville portuaire de 45 000 habitants, qu’a été élu le premier maire d’extrême-droite du pays, en avril dernier, après plusieurs années de gouvernance en coalition avec les partis de la droite libérale.

Mathias Andersson, homme jovial de 40 ans à la barbe pointue, aux cheveux laqués en arrière et aux poignets tatoués, est chez lui, dans la bâtisse qui abrite l’Hôtel de ville. « Vous savez… J’étais un jeune socialiste ! » souffle-t-il en souriant. « Je viens d’une vieille famille ouvrière. Mes parents étaient socio-démocrates, mes grands-parents aussi. Mais je ne me retrouvais plus dans les questions qui étaient soulevées. On ne parlait plus des travailleurs suédois, mais des LGBTQ. Et quand ils disaient, “ouvrons les frontières aux immigrés”, ça ne me semblait pas très astucieux. »

Le parti historique affaibli

Le discours anti-immigré a fait mouche dans cette région dont le chef-lieu, Malmö, troisième plus grande ville du pays, qui se situe à 30 minutes d’ici, a accueilli un grand nombre de réfugiés. « En 2015, quand il y a eu la crise migratoire et que les frontières suédoises étaient grandes ouvertes, on a vu des milliers de migrants débarquer dans le port de Trelleborg et à Malmö. Les immigrés d’aujourd’hui, les musulmans, ils ne travaillent pas, ils touchent les aides sociales et forment des sociétés parallèles, avec leur propre police de la charia. Cette situation a rapproché les gens de notre parti. Il faut une nouvelle politique. C’est comme ça qu’on a viré les socialistes de leur piédestal. Ils étaient le plus grand parti depuis 99 ans, ils allaient fêter leur centenaire en 2018, et nous voilà ! » se réjouit Mathias Anderson.

À Trelleborg, et en Suède, le parti historique du centre-gauche reste la première force politique avec 30% d’électeurs. Mais il est affaibli. Avec la délocalisation des emplois industriels et l’ascension de SD, le vote ouvrier s’est progressivement détourné du parti social-démocrate. En 2022, un an avant les législatives, la première ministre socialiste, Magdalena Andersson, voyant le vent tourner, a décidé d’adopter un ton très dur sur l’immigration.

Suspicion de « fabrique à trolls »

« Trop tard ! Nous ne sommes pas dupes ! » s’écrit Milton Kleimann, jeune homme aux rouflaquettes rousses de 24 ans, qui votera SD aux prochaines élections européennes. « Aujourd’hui, les socialistes et la droite sont tous d’accord avec les politiques migratoires de SD alors qu’ils refusaient de débattre avec eux pendant des décennies » constate-t-il. Comme beaucoup de jeunes de sa génération, cet employé d’une boulangerie locale s’est forgé son opinion sur internet. Très présents sur les réseaux sociaux, les Démocrates de Suède auraient même constitué une « fabrique à trolls » pour « manipuler l’opinion des jeunes électeurs », selon une enquête de l’émission d’investigation Kalla Fakta, parue le 14 mai dernier. Plus de 23 faux profils seraient animés secrètement par l’équipe de communication du SD, qui partagerait ainsi de la désinformation, des vidéos calomnieuses et des clips racistes.

Le leader du parti, Jimmie Åkesson, qualifie ses comptes « d'humoristiques » et estime que ces révélations font partie « d’une gigantesque opération d’influence intérieure de la part de l’establishment de gauche et libéral ». Originaire d’une petite ville côtière à deux heures de route à l’est de Trelleborg, Jimmie Åkesson a pris la direction des Démocrates de Suède en 2005. Il avait alors 26 ans. Aujourd’hui, ce tribun aux lunettes transparentes de 44 ans est crédité pour avoir réussi une stratégie de dédiabolisation du parti. Si l’Islam est toujours érigé comme une menace pour la laïcité suédoise, les éléments néo-nazis et les personnalités trop ouvertement racistes ont été écartés.

La coalition au pouvoir dépendante du SD

« Ce sont des opportunistes » tranche Jonathan Leman, chercheur au sein du magazine anti-raciste Expo, qui suit de très près la résurgence des idées d’extrême-droite en Suède. « C'est vrai, les Démocrates de Suède ont mis de l'eau dans leur vin, quand ils en ont eu besoin. Mais maintenant qu’ils ont l’espace politique pour aller plus à droite, ils le font ». Il observe que depuis que l’extrême droite a fait son entrée au Parlement en 2010, avec l'élection de Jimmie Åkesson au poste de député, « les organisations néo-nazies, fascistes et ethno-raciales, trouvent que leurs idées - jugées trop extrémistes - se sont normalisées. Ils disent d'ailleurs qu’ils ont plus de facilités à recruter dans leurs rangs. Pour ces groupuscules, la stratégie c’est d’influencer le SD, pour qu’il se droitise. L'extrême droite radicale les utilise comme un cheval de Troie, puisqu'ils sont désormais fréquentables dans le paysage politique ».

Après les législatives d’automne 2023, la révolution qui grondait est arrivée : le parti des Démocrates de Suède est officiellement devenu le principal allié parlementaire de la coalition de droite, menée par le Premier ministre conservateur Ulf Kristersson. Le gouvernement composé des Modérés, des Chrétiens Démocrates et des Libéraux est donc pieds et poings liés, puisque sans le soutien de l'extrême droite, il n’a pas la majorité.

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