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Le blues de Deep Purple

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On ne le sait pas, mais derrière les choix artistiques de certains instrumentistes ou interprètes du rock anglo-saxon, il y a une culture musicale beaucoup plus riche qu’il n’y paraît. Ian Gillan, chanteur historique du groupe Deep Purple, n’est pas que le majestueux hurleur du classique « Smoke on the Water ». Il est un admirateur des icônes du blues originel, un amateur éclairé de soul-music et un auditeur fervent du répertoire jazz. Alors que paraît « = 1 », le nouvel album de Deep Purple, Ian Gillan nous parle de ses nombreuses incursions dans l’univers sonore afro-américain.

Invité au Montreux Jazz Festival en Suisse, le 8 juillet 2024, Deep Purple a fait rugir les décibels en assénant quelques riffs de guitare explosifs devant des milliers de spectateurs totalement électrisés. Au-delà de cette prestation très attendue, les protagonistes de cette épique soirée nous ont prouvé que leur musique ne se résume pas à une succession de notes puissantes et de classiques inusables. Derrière ce mur du son, il y a des instrumentistes aguerris et inspirés dont l’élan artistique provient de « L’épopée des Musiques Noires ». Ian Gillan, le leader de cette imposante formation britannique, reconnaît volontiers que la source de son inspiration est un patrimoine sonore ancestral que les Noirs d’Amérique ont forgé au fil des siècles. « N’oublions pas que cette musique est née dans le delta du Mississippi, puis est remontée vers Kansas City, Saint-Louis et enfin Chicago. En suivant ce long voyage temporel et géographique, vous pouvez ressentir l’évolution du blues. C'est ce que j'appelle le blues authentique. D’ailleurs, les ritournelles composées à l’époque sont des petits bijoux qui racontent l’histoire du peuple noir. Sur notre dernier album, vous remarquerez peut-être la chanson « A bit on the side », c’est un titre très puissant dans lequel la section basse-batterie est imposante mais, si vous tendez l’oreille, vous entendrez une allusion au titre « Parchman Farm » de Mose Allison. Curieusement, cela m’est revenu à l’esprit car cette mélodie fait partie de mes années de jeunesse quand j’étais en plein apprentissage musical. Je me souviens de ces paroles très intenses que j’avais apprises par cœur. Au moment de l’enregistrement, je me disais : « D’où viennent ces mots qui me trottent dans la tête ? ». Ils étaient juste dans ma mémoire lointaine. Je pense donc avoir une préférence pour le blues des origines et même, le jazz des origines, celui des années 20 qui est beaucoup plus attractif que le be-bop des années 40. Il y a dans ces musiques une tonalité encore immature, presque adolescente, c’est l’expression naturelle d’un vécu souvent douloureux. Dans ce répertoire d’un autre temps, on évoque les troubles sociaux, les abus de pouvoir. Il faut d’ailleurs savoir déceler le message transmis par tous ces artistes afro-américains d’autrefois car il y avait souvent une double signification. Si vous n’y prêtez pas attention, vous passerez à côté des messages que véhiculaient ces chansons. Les artistes noirs utilisaient des codes pour pouvoir exprimer leur mal-être sans que les Blancs ne s’en rendent compte. Tous ces gens étaient traités comme des animaux. Ce sentiment de désespoir a survécu à travers la musique et s’est retrouvé dans le blues de Chicago. Il est, certes, devenu plus commercial au fil du temps mais le message d’origine est resté vivace, grâce notamment à B.B King et, bien entendu, Muddy Waters ». (Ian Gillan au micro de Joe Farmer)

Si Ian Gillan laisse entrevoir sa passion pour les musiques rurales et acoustiques du sud des États-Unis, il tient aussi à mettre en valeur la maestria de ses comparses dont les connaissances encyclopédiques leur permettent d’aborder tous les répertoires avec un goût certain et une profonde maîtrise. Ils sont, à ses yeux, de fins solistes capables d’imprimer un swing jazz solide échappé des entrailles de l’histoire. « Notre batteur, Ian Paice, est un grand amateur de Gene Krupa, l’un des plus grands rythmiciens du début du XXè siècle. Il avait le don de faire danser n’importe quelle composition. Peu de batteurs dans l’univers du rock ont ce talent. La plupart se contentent de marteler le rythme sans grande finesse. Je vous conseille de réécouter le jeu de batterie de Ian Paice sur « Smoke on the water », et vous constaterez la légèreté avec laquelle il développe le rythme sur cette composition historique. Les membres originaux du groupe Deep Purple avaient des influences musicales très diverses. Ils s’intéressaient aussi bien à la musique classique, au funk, au blues, au jazz et à la folk-music. N’oublions pas que nous étions en pleine période hippie. Il y avait donc beaucoup de dynamique dans le répertoire du groupe à l’époque. L’impulsion originelle venait de la culture musicale éclectique de John Lord, le pianiste, de Ian Paice, le batteur, et de Richie Blackmore, le guitariste. Quand on écoute les solos de John Lord au piano ou de Richie Blackmore à la guitare, on oublie trop souvent le swing presque jazz qu’ils apportaient à la rythmique. Leur contribution était essentielle pour soutenir un chanteur. Avant de rejoindre le groupe, en août 1969, j’avais acheté les trois premiers albums de Deep Purple et j’ai trouvé, à l’époque, que leur musicalité était incroyable, unique. Aucun autre groupe ne sonnait comme eux. Il y avait un swing particulier dans leur manière de jouer du rock. On pouvait déceler cette part de patrimoine afro-américain dont il s’inspirait de manière totalement naturelle. Je fus très heureux de participer à cette aventure lorsque je les ai rejoints. Tout cela pour vous dire que ce n'est pas qu'une question de rythme, il s’agit aussi de peaufiner une texture musicale, une couleur sonore, une beauté harmonique spécifique. Il y avait du panache dans leur manière d’appréhender la musique. Ils savaient à quel moment ils devaient jouer avec les silences, un peu comme le ferait un jazzman. Le rock‘n’roll n’est pas nécessairement une musique bruyante. Mes héros n’étaient pas seulement Elvis Presley, Little Richard ou Chuck Berry, c’était aussi Buddy Holly et les Everly Brothers. En d’autres mots, des artistes beaucoup plus lyriques et mélodieux. Voilà ce qu’était mon rock‘n’roll ». (Ian Gillan sur RFI)

Certes, l’album « = 1 » de Deep Purple appartient davantage à l’univers du rock robuste qu’à la complainte acoustique du bluesman éploré. Laissez tout de même vos oreilles apprivoiser cette emphase surpuissante pour capter les myriades de références musicales héritées de l’ancestralité afro-américaine subtilement distillées par le nouveau guitariste du groupe, Simon McBride. Vous entendrez Deep Purple d’une autre façon et, peut-être, serez-vous mieux préparés à accueillir ces virtuoses du rock lors de leur prochain concert dans votre ville…

► Le site de Deep Purple

► Le site du Montreux Jazz Festival.

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Invité au Montreux Jazz Festival en Suisse, le 8 juillet 2024, Deep Purple a fait rugir les décibels en assénant quelques riffs de guitare explosifs devant des milliers de spectateurs totalement électrisés. Au-delà de cette prestation très attendue, les protagonistes de cette épique soirée nous ont prouvé que leur musique ne se résume pas à une succession de notes puissantes et de classiques inusables. Derrière ce mur du son, il y a des instrumentistes aguerris et inspirés dont l’élan artistique provient de « L’épopée des Musiques Noires ». Ian Gillan, le leader de cette imposante formation britannique, reconnaît volontiers que la source de son inspiration est un patrimoine sonore ancestral que les Noirs d’Amérique ont forgé au fil des siècles. « N’oublions pas que cette musique est née dans le delta du Mississippi, puis est remontée vers Kansas City, Saint-Louis et enfin Chicago. En suivant ce long voyage temporel et géographique, vous pouvez ressentir l’évolution du blues. C'est ce que j'appelle le blues authentique. D’ailleurs, les ritournelles composées à l’époque sont des petits bijoux qui racontent l’histoire du peuple noir. Sur notre dernier album, vous remarquerez peut-être la chanson « A bit on the side », c’est un titre très puissant dans lequel la section basse-batterie est imposante mais, si vous tendez l’oreille, vous entendrez une allusion au titre « Parchman Farm » de Mose Allison. Curieusement, cela m’est revenu à l’esprit car cette mélodie fait partie de mes années de jeunesse quand j’étais en plein apprentissage musical. Je me souviens de ces paroles très intenses que j’avais apprises par cœur. Au moment de l’enregistrement, je me disais : « D’où viennent ces mots qui me trottent dans la tête ? ». Ils étaient juste dans ma mémoire lointaine. Je pense donc avoir une préférence pour le blues des origines et même, le jazz des origines, celui des années 20 qui est beaucoup plus attractif que le be-bop des années 40. Il y a dans ces musiques une tonalité encore immature, presque adolescente, c’est l’expression naturelle d’un vécu souvent douloureux. Dans ce répertoire d’un autre temps, on évoque les troubles sociaux, les abus de pouvoir. Il faut d’ailleurs savoir déceler le message transmis par tous ces artistes afro-américains d’autrefois car il y avait souvent une double signification. Si vous n’y prêtez pas attention, vous passerez à côté des messages que véhiculaient ces chansons. Les artistes noirs utilisaient des codes pour pouvoir exprimer leur mal-être sans que les Blancs ne s’en rendent compte. Tous ces gens étaient traités comme des animaux. Ce sentiment de désespoir a survécu à travers la musique et s’est retrouvé dans le blues de Chicago. Il est, certes, devenu plus commercial au fil du temps mais le message d’origine est resté vivace, grâce notamment à B.B King et, bien entendu, Muddy Waters ». (Ian Gillan au micro de Joe Farmer)

Si Ian Gillan laisse entrevoir sa passion pour les musiques rurales et acoustiques du sud des États-Unis, il tient aussi à mettre en valeur la maestria de ses comparses dont les connaissances encyclopédiques leur permettent d’aborder tous les répertoires avec un goût certain et une profonde maîtrise. Ils sont, à ses yeux, de fins solistes capables d’imprimer un swing jazz solide échappé des entrailles de l’histoire. « Notre batteur, Ian Paice, est un grand amateur de Gene Krupa, l’un des plus grands rythmiciens du début du XXè siècle. Il avait le don de faire danser n’importe quelle composition. Peu de batteurs dans l’univers du rock ont ce talent. La plupart se contentent de marteler le rythme sans grande finesse. Je vous conseille de réécouter le jeu de batterie de Ian Paice sur « Smoke on the water », et vous constaterez la légèreté avec laquelle il développe le rythme sur cette composition historique. Les membres originaux du groupe Deep Purple avaient des influences musicales très diverses. Ils s’intéressaient aussi bien à la musique classique, au funk, au blues, au jazz et à la folk-music. N’oublions pas que nous étions en pleine période hippie. Il y avait donc beaucoup de dynamique dans le répertoire du groupe à l’époque. L’impulsion originelle venait de la culture musicale éclectique de John Lord, le pianiste, de Ian Paice, le batteur, et de Richie Blackmore, le guitariste. Quand on écoute les solos de John Lord au piano ou de Richie Blackmore à la guitare, on oublie trop souvent le swing presque jazz qu’ils apportaient à la rythmique. Leur contribution était essentielle pour soutenir un chanteur. Avant de rejoindre le groupe, en août 1969, j’avais acheté les trois premiers albums de Deep Purple et j’ai trouvé, à l’époque, que leur musicalité était incroyable, unique. Aucun autre groupe ne sonnait comme eux. Il y avait un swing particulier dans leur manière de jouer du rock. On pouvait déceler cette part de patrimoine afro-américain dont il s’inspirait de manière totalement naturelle. Je fus très heureux de participer à cette aventure lorsque je les ai rejoints. Tout cela pour vous dire que ce n'est pas qu'une question de rythme, il s’agit aussi de peaufiner une texture musicale, une couleur sonore, une beauté harmonique spécifique. Il y avait du panache dans leur manière d’appréhender la musique. Ils savaient à quel moment ils devaient jouer avec les silences, un peu comme le ferait un jazzman. Le rock‘n’roll n’est pas nécessairement une musique bruyante. Mes héros n’étaient pas seulement Elvis Presley, Little Richard ou Chuck Berry, c’était aussi Buddy Holly et les Everly Brothers. En d’autres mots, des artistes beaucoup plus lyriques et mélodieux. Voilà ce qu’était mon rock‘n’roll ». (Ian Gillan sur RFI)

Certes, l’album « = 1 » de Deep Purple appartient davantage à l’univers du rock robuste qu’à la complainte acoustique du bluesman éploré. Laissez tout de même vos oreilles apprivoiser cette emphase surpuissante pour capter les myriades de références musicales héritées de l’ancestralité afro-américaine subtilement distillées par le nouveau guitariste du groupe, Simon McBride. Vous entendrez Deep Purple d’une autre façon et, peut-être, serez-vous mieux préparés à accueillir ces virtuoses du rock lors de leur prochain concert dans votre ville…

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